Reference :
V-P-GT-E-00043
Date :
17/03/1999
Caption :
Guatemala City. Portrait of a man whose family was victim of the civil war.
Confidentiality level :
public
Publication restrictions :
reserved users only
Description :
Pablo Ceto
FUNDAMAYA ( Fondation maya), groupe de défense des droits des peuples indigènes.
Guatemala. malgré la douleur....par Till Mayer
Des nuages gris et bas s'accrochent aux montagnes qui entourent la petite ville de Nebaj. Là-haut, dans les forêts inhabitées, il fait froid et humide; tout comme en avril 1983. Pedro Bernal Perez n'oubliera jamais le jour où le bruit des avions s'intensifiait à chaque nouvelle vague d'attaques et où les bombes éventraient le sol. Ce jour-là, pour Pedro et sa famille, il n'y avait qu'une chose à faire: fuir, et le plus vite possible!
Sa femme, Margitta Chavez Corio, s'était arrêtée pour envelopper leur nouveau-né dans une couverture. Il toussait depuis plusieurs jours et avait de la fièvre. La famille s'est précipitée vers la forêt. Lorsque Pedros s'est retourné, il a vu les colonnes de fumée qui s'élevaient du village. En quelques minutes, les soldats avaient réduit en cendres ce qu'il avait mis des années à construire.
Les nuits étaient froides dans la montagne, trop froides pour un nouveau-né. Les villageois ne pouvaient pas allumer de feu: la fumée et la lumière auraient signalé leur présence. Quand le bébé a été enterré, le visage de Pedro était livide et figé. Il n'a pas pu prononcer une seule parole. C'était le deuxième de ses enfants qui mourait pendant une fuite. La même tragédie inimaginable s'était produite trois ans plus tôt, en 1980. Pedro ne comprenait pus rien au monde dans lequel il vivait. Quel crime sa famille avait-elle commis pour mériter un tel châtiment?
Beaucoup de gens ont été assassinés dans les environs de Nebaj pendant la guerre civile, et d'immenses étendues de forêt on été brûlées au napalm. Lorsque Pedro et sa famille ont regagné la ville, l'armée l'a contraint à s'enrôler dans la milice civile. Des hommes en uniforme lui ont donné un fusil et l'ont envoyé en patrouille. Les pourchassés devenaient chasseurs. Le seul souhait de Pedro était de ne jamais tomber sur un guérillero. Les soldats s'en sont aperçus. Pedro a eu de la chance, il a rapidement été démobilisé. Mais des milliers d'autres ont continué à être enrôlés de force.
Aujourd'hui, la paix est revenue. A 47 ans, Pedro a acquis une certaine aisance. Il est propriétaire d'un petit atelier de tailleur et tisse des jupes mayas multicolores. Ila construit une nouvelle maison de bois et d'argile pour sa famille. C'est une petite maison, à la périphérie de la ville, et il y a même l'électricité. Il est le responsable local d'un groupe d'entraide et milite pour les droits de la population indigène.
Pour cela, il faut de la confiance en soi. " Oui, nous sommes plus sûrs de nous maintenant, dit Pedro, mais notre culture a beaucoup perdu. Les jeunes n'écoutent plus leurs aînés. Plus personne ne connaît les traditions des Mayas".
Pedro est confronté à un dilemme: il appartient à une petite communauté protestante qui interdit les traditions mayas et voit d'un mauvais oeil les costumes traditionnels. Chaque dimanche, il se rend à l'église avec une chemise blanche bien amidonnée. "Malgré cela, je tiens à en apprendre davantage sur la culture de mon peuple. Il faut connaître ses racines, c'est important pour l'avenir". explique-t-il.
Dans le centre de la ville, des hommes ivres titubent dans les rues boueuses. Les chauffeurs des autocars jaunes qui desservent la campagne klaxonnent rageusement. C'est le milieu de la journée mais le spectacle de ces hommes au regard vitreux est chose courante. Ils ont déjà abandonné tout espoir de mener une vie décente.
Pedro poursuit sa lutte. Lorsque le brouillard enveloppe les montagnes, il ne souhaite qu'une chose: que sa fille n'ait jamais à s'enfuir dans le froid avec son bébé.
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Orientation :
portrait
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